Miam ! de la pollution

Miam ! de la pollution

Elles supportent les métaux lourds et, en plus, elles aiment ça ! Certaines plantes dites « métallicoles » pourraient aussi servir à dépolluer les sols contaminés.

Coulisses de l’épisode et sources d’Azade, épisode 8

A l’origine de cette histoire, il y a eu la lecture d’un article écrit par Guillaume Lemoine et Maxime Pauwels sur les pelouses calaminaires du Nord-Pas de Calais dans la passionnante et indispensable revue La Garance voyageuse.

Quoi ? La pollution pourrait donc être créatrice de biodiversité ? Allons bon, voilà encore autre chose !

Demi-argus (Cyaniris semiargus) sur une armérie de Haller, Auby © G. Lemoine

On peut trouver nombreux articles des mêmes auteurs sur le sujet, en particulier ici, et encore .

J’ai eu ensuite la possibilité d’interviewer Guillaume Lemoine, que je remercie chaleureusement pour sa disponibilité et son enthousiasme communicatif.

Il m’a souligné une autre particularité de ces plantes qui aiment les métaux lourds : elles sont issues d’espèces qui supportent par ailleurs des conditions de vie extrêmes. Ce sont pour la plupart des montagnardes (Pyrénées, Cévennes, Alpes), comme il est précisé dans ces inventaires .

Les trois calaminaires réunies : l’armérie (fleur rose pourpre), la pensée (fleur jaune) et l’arabette (fleur blanche). Elles ne payent pas de mine, et pourtant… © G. Lemoine

Ces écosystèmes constitués de plantes métallicoles de plaine, dans le Nord-Pas de Calais, sont uniques en France et les seuls de cette dimension à l’échelle européenne. Ils ont référencés et en partie protégés, comme c’est expliqué ici et . Témoins d’une histoire industrielle, ils représentent aujourd’hui un véritable patrimoine naturel. Ainsi que me l’a résumé Guillaume Lemoine : « ces pelouses calaminaires sont nos gypaètes barbus ».

NB : les gypaètes barbus sont les rapaces les plus rares d’Europe. Il en existe quelques couples dans les Pyrénées, les Alpes et en Corse. Voilà l’oiseau en question…

Un point de vue complémentaire, celui de Michel-Pierre Faucon sur la biodiversité des sites métallifères, est à consulter ici.

En continuant mes recherches, je suis tombée sur d’autres usages de ces plantes métallicoles. Non seulement elles sont les seules à survivre sur ces sols contaminés, mais en plus certaines ont la capacité de stocker et de concentrer dans leurs parties aériennes (troncs, tiges ou feuilles) les métaux qu’elles extraient du sol par leur racines.

L’arbre à la sève bleue, Pycnandra acuminata, de Nouvelle-Calédonie, qui contient jusqu’à 25 % de nickel.

L’arbre à la sève bleue est présenté ici.

D’où des perspectives ébouriffantes explorées actuellement par la recherche. Par exemple, l’utilisation de plantes comme « phytomines », pour puiser du nickel, comme cette expérience menée avec des paysans albanais par des chercheurs de Lorraine, expliquée aussi ici.

Autre piste : tirer partie des propriétés de ces plantes pour dépolluer les sols dont certains anciens sites de mines. C’est notamment le travail de Claude Grison, interviewée dans l’émission Les savanturiers, sur France Inter à écouter ici, à retrouver dans cet article, ou à voir et entendre dans ce programme de France 3.

Futura science a consacré aussi un article qui fait le tour d’horizon de la dépollution des sols par les plantes, à retrouver .

Arte a par ailleurs dédié une émission de Future Mag au sujet, à regarder ci-dessous, dommage que le ton de la voix-off soit insupportable…

La chaîne franco-allemande a également produit et diffusé un très bon documentaire, Sols contaminés : des plantes à la rescousse, malheureusement indisponible en VOD mais qui est retransmis à période régulière (le teaser est visible ici).

Moins faciles d’accès mais quasi-exhaustives, les restitutions des nombreux travaux sur les phytotechnologies appliquées aux sols contaminés peuvent être consultés, notamment ici ou .

Ne soyons toutefois pas naïfs : ces techniques, tout aussi passionnantes qu’elles soient, ne sont pas magiques. La mise en perspective et en débat de ces questions sont à retrouver notamment dans ce très intéressant papier de synthèse de Sophie Chapelle dans Bastamag.

Enfin, si vous vous intéressez au destin de la mine de Salsigne, dans l’Aude (qui a inspiré la double page d’illustration de la fin de l’épisode que vous verrez dans l’album), Le Monde vient de diffuser ce reportage vidéo au sujet de ce site toujours terriblement contaminé à l’arsenic quinze années après sa fermeture.

Semez des graines !